Chloé REBILLARD

Le Pays Basque, terre d’entreprise ?

Samedi 26 août se tenait à Anglet la journée "Entreprendre au Pays Basque". Elle était organisée à la pépinière d'entreprise Olatu Leku par l'association Du Pays Basque aux Grandes écoles. L’occasion de revenir, avec des chefs d'entreprise présents, sur les atouts du territoire en matière d’entreprenariat. Mais également sur ses défauts.

Hervé Nguetsop, fondateur de la start up La Smoocyclette, est venu présenter son vélo-smoothie. ©Aurore Lucas
Hervé Nguetsop, fondateur de la start up La Smoocyclette, est venu présenter son vélo-smoothie. ©Aurore Lucas

Pour Jacques Garaïalde, consultant indépendant et vice-président de "Tarkett", la réponse est simple : "On a tous les atouts pour nous, ici, au Pays Basque." Pourtant, cet enfant du pays est un exilé professionnel. Cela fait plus d’une décennie qu’il travaille à Londres après être passé par la case Paris.

Côté carte postale, le Pays Basque n’est pas dépourvu d’atouts dans sa manche pour attirer jeunes diplômés et autres créateurs d’entreprise. L’attractivité du territoire, la qualité du cadre de vie permettent aux chefs d’entreprise de recruter des talents sans difficulté. François Amigorena, créateur de l’entreprise IS Decisions à Bidart, le confirme. "Mon entreprise compte plus de vingt-cinq salariés de sept nationalités différentes. Une ingénieure qui travaille avec nous depuis plus d’un an était auparavant salariée dans une boîte en Île-de-France. Elle est venue en vacances ici avec son mari. Ils sont tombés amoureux du pays et elle a postulé pour travailler chez nous. Je n’ai pas eu besoin de faire de la surenchère sur son salaire : elle gagne la même chose qu’à Paris, le cadre de vie en plus."

Karine Dachary Lesperon, directrice générale adjointe de la Foncière Inea, analyse ce phénomène assez récent d’une recherche d’une qualité de vie dans la nouvelle génération. "Les jeunes cadres de notre génération cherchent à allier qualité de vie et vie professionnelle. C’est un phénomène que l’on voyait moins dans la génération de nos parents car ils avaient un emploi garanti à vie dans une boîte. Aujourd’hui, on sait qu’on ne restera pas toujours dans la même entreprise. Les jeunes sont donc moins prêts à sacrifier le cadre de vie sur l’autel de leur carrière."

Mathieu Castaing, fondateur de Finacoop, basée à Paris, le constate également : "Aujourd’hui, les tendances s’inversent. Le solde des installations à Paris est négatif, les gens cherchent à vivre dans des lieux qui leur conviennent."Autre élément qui permet d’expliquer le phénomène : le numérique permet de s’affranchir des distances et de travailler depuis n’importe où avec un simple terminal.

Des atouts à exploiter

Mais aussi attractif soit-il, le territoire pâtit néanmoins de quelques défauts. Le premier est celui de l’enclavement du Pays Basque qui est éloigné des centres dynamiques : aller à Paris par train ou par avion peut s’avérer compliqué et long. Pour Karine Dachary Lesperon, qui fait des allers-retours réguliers entre son domicile au Pays Basque et la capitale, c’est un frein non négligeable. Les investisseurs et les réseaux professionnels sont souvent centralisés dans la capitale française. Créer une entreprise nécessite donc de s’y rendre régulièrement et si les transports ne permettent pas une liaison aisée, cela peut décourager. 

Autre point négatif relevé, celui de la communication sur le territoire. Le Pays Basque est largement associé au tourisme dans les représentations. Un fait encouragé par les institutions qui communiquent surtout autour de cet attrait. Cette image colle à la peau du territoire et empêcherait de voir les autres facettes. K. Dachary Lesperon exprime ce sentiment : "On a l’impression qu’il n’y a pas beaucoup d’opportunités ici. En venant à cette journée Entreprendre au Pays Basque, j’ai découvert beaucoup d’entreprises que je ne connaissais pas. Mais les collectivités territoriales continuent de jouer la carte du tourisme en oubliant celle des opportunités économiques. Or, quand on se dit qu’il n’y a pas d’opportunité, on ne revient pas à la fin de ses études."

François Amigorena, quant à lui, juge que le tissu économique et social n’est "pas très dense" au Pays Basque et tourné presque exclusivement vers le tourisme. Il regrette que la côte basque ne profite pas plus de ses atouts. "[Elle] pourrait être la Silicon Valley de l’Europe. Pour cela, il faut trois ingrédients. La matière grise, sur laquelle on est un peu léger, même si l’offre éducative s’améliore. Un lieu accueillant, pour ce point ci, nous sommes parfaits. Et enfin, l’argent. Et là, il manque un écosystème de financement." Il tempère cependant : "Dans mon domaine d’activité, très dématérialisé, mes clients américains ne se préoccupent pas de savoir si je travaille depuis Paris ou Bidart. En fonction du secteur d’activité que vous choisissez, les freins pèsent plus ou moins sur vos épaules."

Si on croit le succès de la journée à Anglet, la salle était remplie pour l’ensemble des tables-rondes, de nouvelles idées d’entreprises sont en train de germer dans les cerveaux d’habitants du territoire. Peut-être se lanceront-ils, eux aussi, dans l’aventure entrepreunariale. À l’image de Hervé Nguetsop, fondateur de la start up Smoocyclette, venu présenter son produit hybride entre un vélo et un fabricateur de smoothie.