Goizeder TABERNA

Les 'artisans de la paix' regardent vers l’avenir

A Bayonne, le 8 avril a marqué la fin du désarmement d’ETA, mais surtout, une nouvelle phase dans la résolution du conflit basque.

 
"A nous de construire ensemble la paix" ont lancé les "artisans de la paix".
"A nous de construire ensemble la paix" ont lancé les "artisans de la paix".

Le ciel était clément à Bayonne ce samedi. Le température chaude. Sur l’estrade, Michel Tubiana et Michel Berhocoirigoin, deux des "artisans de la paix". "L’essentiel est là", lance le premier aux milliers de personnes amassées devant lui, "aujourd’hui, 8 avril 2017 l’ETA est désarmé !", reprend-il après une pause. Mais cela ne suffit pas, pour apprendre à vivre ensemble, "il faudra désarmer les esprits". L’assistance l’écoute, elle est là pour ça, pour vivre ce moment historique dans lequel les armes utilisées par ETA sont mises hors d’usage.

Les organisateurs parlent de 20 000 personnes présentes. La place Paul Bert est pleine et il fait chaud. La plupart des participants sont là depuis 14 heures et n’importe quel bout d’ombre peut devenir refuge de fortune. Pendant les prises de parole, un homme s’est senti mal. Couché sur le bitume, ces proches l’ont rafraîchi avec de l’eau sur la tête.

La voix de Louis Joinet, elle, a été envahie par l’émotion, au moment où il a remercié tous ceux qui ont rendu possible cette "Journée du désarmement". Chargé de lire le "Manifeste de Bayonne 8 avril 2017", il a montré à quel point se sont engagés des centaines "d’artisans de la paix". Un engagement collectif qui n’est devenu réalité que par l’engagement personnel de chacun d’entre eux.

Le texte a été lu en quatre langue. Estitxu Eizagirre, la directrice de la revue Argia, Susan George, écrivaine franco-américaine, et Fernando Armendariz, membre du Forum social, ont pris le témoin de l’ancien expert de l’ONU. Derrière eux, les signataires. Ils sont par dizaines, représentants de partis politiques, de syndicats ou d’associations, ils ont soutenu le manifeste.

Puissent être évoquées

Le travail mené depuis la Conférence d’Aiete (2011) est "bel et bien une oeuvre artisanale, d’un ouvrage irrégulier, imparfait - humain, tellement humain-", reconnaît le texte, c’est probablement pour cela que les personnes présentes à Bayonne se sentent partie prenante. Bien sûr, il y a des absents de cette journée : les Gouvernements français et espagnol. Les signataires attendent d’eux qu’ils s’expriment, afin que toutes ces années qu’ils ont laissées en héritage aux habitants du Pays Basque puissent être évoquées.

"La paix n’est pas seulement une absence de violence", rappellent-ils. Aux victimes, toutes et chacune d’elles, les signataires du manifeste voudraient leur dire : "Non, cela ne se reproduira pas !". Sur la question des prisonniers et des exilés basques, "nous pensons que personne n’est perdant si la loi et la politique s’inscrivent dans le présent, si leur éloignement prend fin, s’ils sont rapatriés en Euskadi et alentour, si les malades et ceux arrivés en fin de peine, sont libérés", ont-ils avancé.

Les détenus basques, la dernière pensée du révérend méthodiste nord-irlandais Harold Good a aussi été vers eux. Acteur du processus de paix au Pays Basque, il a demandé à Madrid et Paris "qu’ils entendent votre voix [celle des personnes présentes, ndlr.] et qu’ils permettent le retour des prisonniers chez eux, auprès de leurs familles". L’assistance a relayé l’appel avec des cris en faveur du retour des prisonniers. Des slogans qui ont résonné tout au long du rassemblement.