Goizeder TABERNA

Les armes, ces objets encombrants

“Le désarmement, c’est en finir avec la guerre. La construction de la paix viendra après”

Le dépôt des armes, c’est la fin de la guerre. A ceux qui en ce moment s’interrogent, au plus haut niveau, sur la pertinence d’une intervention du gouvernement français dans le processus de désarmement d’ETA, on aurait envie de rappeler ce que représente ce conflit armé de plus de 50 ans. Un conflit dans lequel l’Etat français aussi connaît son lot de morts, de disparus, de tensions et de souffrances.

Les armes sont des objets encombrants. Elles empêchent de libérer la parole de la victime et celle du bourreau ou du tortionnaire. Elles servent comme prétexte au juge pour refuser la libération des détenus ayant rempli les conditions. Elles ne permettent pas au citoyen de regarder son voisin différemment. Ces “artisans de la paix” qui agissent au nom de la société civile le savent, la restitution des armes permettra par la suite de résoudre les conséquences du conflit. Ils ont souhaité mettre un terme à ce processus sans trop tarder, ne pas laisser la situation s’embourber. Ils ont fixé une date : le 8 avril.

Ne pas résoudre cette question, c’est laisser ce mal en héritage aux générations à venir. Au nouveau ministre de l’Intérieur qui pourrait s’interroger sur l’intérêt de l’Etat français de s’impliquer dans une initiative entreprise par des leaders de mouvements se réclamant représentants de la société civile ou qui ont l’impression de “servir la soupe” à une organisation armée clandestine, on aurait envie d’expliquer que ce qui se joue dans cette séquence dépasse ces considérations. Qu’ignorer cette main tendue n’engendrait qu’incompréhension et frustration. Michel Berhocoirigoin l’a bien dit : “Tout le monde doit en sortir gagnant”. La réponse épistolaire envoyée par ETA aux trois représentants de la société civile est un gage : l’initiative engagée ne devait pas s’appuyer sur le schéma perdant-gagnant. Dans le cas contraire, on sèmerait de nouvelles graines de violence.

Jamais l’ensemble des institutions représentant la société basque ne s’est prononcé avec une telle clarté. A ceux qui s’interrogent sur l’opportunité d’un tel processus, on aurait envie de leur dire que jamais les différents gouvernements basques ni les élus de ce côté-ci des Pyrénées n’ont clamé aussi fort la nécessité de l’implication des gouvernements français et espagnol.

Au coin de la rue des personnalités reconnues par la communauté internationale les attendent. A ceux qui s’interrogent sur la nécessité d’accorder des garanties techniques avec les dits “artisans de la paix”, on aurait envie de leur glisser que la confiance se construit ensemble et que dans ce chemin, des spécialistes peuvent être d’une aide précieuse. La résolution d’un conflit nécessite une profonde transformation éthique, a rappelé Christian Herbolzheimer de Conciliation Resources au forum sur le désarmement organisé samedi dernier par Bake Bidea. “Si nous ne nous regardons pas d’une autre façon, si nous ne rendons pas l’humanité à chacune des personnes, un processus de paix ne peut pas marcher”, a-t-il insisté.

Faire la guerre est plus facile que faire la paix. La Colombie en est l’exemple, les accords de paix ne suffisent pas pour que le conflit se résorbe dans tout le pays. Ici, cinq ans après que se soient tues les armes, il semblerait que Frederik Aranbur, Jakes Esnal et Jon Kepa Parot, prisonniers basques condamnés à perpétuité ayant accompli 27 ans de réclusion, en paient les frais. Ibon Fernandez Iradi et Oier Gomez deux détenus gravement malades également.

Le désarmement, c’est en finir avec la guerre. La construction de la paix viendra après. Avec la force des Etats ou avec la force du peuple. Il le faudra.