Bénédicte Saint-André
Interview
Colette Capdevielle
Députée de la cinquième circonscription des Pyrénées-Atlantiques

"Je travaille activement à obtenir le suffrage universel direct pour les intercos XXL"

La députée socialiste Colette Capdevielle revient pour MEDIABASK sur le dossier de l'EPCI Pays Basque. Dans le cadre de son activité parlementaire, cette dernière défend le suffrage universel pour les intercommunalités XXL à l'horizon 2020. Des propositions sont actuellement à l'étude et devraient être tranchées à l'automne. 

Colette Capdevielle. © DR
Colette Capdevielle. © DR

Les conseils municipaux se sont prononcés à une très large majorité en faveur de l'EPCI unique. Quelle analyse tirez-vous de ce scrutin ?

Colette Capdevielle : Il s'agit d'un résultat indiscutable et sans appel à l'issue d'un débat public passionné et passionnant. L'adhésion au projet s'est faite au-delà de toute espérance et offre une légitimité démocratique inédite. Quand nous avons commencé à le porter, en 2013, je ne pouvais imaginer un tel enthousiasme. Un seul regret peut-être, qu’aucun élu n’ait eu le courage d’organiser une consultation citoyenne.

Sinon, je retiens particulièrement la géographie du vote, notamment le plébiscite pour l'EPCI dans la fameuse zone intermédiaire, le périurbain basque, qui est un enjeu très important des politiques publiques de demain. Et je suis plus que satisfaite de voir que la page qui s'ouvre s'inscrit dans une histoire, celle du Pays Basque.

Dans ce cadre, quel est votre regard sur le recours hiérarchique porté par soixante-dix élus ?

C.C : Sur la forme, c'est lamentable. Je ne peux que constater le manque de courage politique de certains élus qui n’assument pas publiquement ce recours. Sur le fond, intenter un recours sur le périmètre, c’est fondamentalement anti-basque. C’est refuser l’existence même d’une organisation à cette échelle au mépris de l’héritage historique et culturel du Pays Basque. Toutefois, la question de la relation avec le Seignanx se pose. Et dans quelques années, quand le sud des Landes aura envie de faire partie de notre communauté de destin, je ne serai pas opposée à son entrée dans l’EPCI Pays Basque.

La phase démocratique est apparue très clivante, les deux camps semblant irréconciliables. L'heure est aujourd'hui, nous dit-on, à une  préfiguration consensuelle. Mirage ou réalité ?

C.C : La préfiguration, c'est aussi une alternative politique. Samedi, un accord a été trouvé pour faire plus de place au conseils des élus et à la société civile et pour exclure ceux qui intentent un recours. [Le recours hiérarchique déjà déposé n'est pas pris en compte, ndlr.]. Il y a eu un vote donc une volonté de construire. Maintenant, la préfiguration doit créer les conditions techniques et juridiques d’un top départ de l’EPCI au 1er janvier 2017.

Mais ce n’est pas suffisant. L’EPCI a aussi besoin d’un grand projet politique pour sortir de l’émiettement et des égoïsmes territoriaux ainsi que de l’immobilisme et de la fatalité des inégalités territoriales. En ma qualité de future conseillère communautaire, je vais proposer à tous les élus de gauche, y compris aux maires sans étiquette, de réfléchir à un programme commun radicalement nouveau et différent, porteur d’un autre modèle de société. Nous avons besoin de politiques publiques alternatives sur l’habitat, le social, la transition énergétique, la culture...

Les opposants ont soulévé des questions très techniques obligeant le gouvernement à apporter certaines réponses a posteriori. L'échelon XXL a-t-il été suffisamment anticipé pour mener ces politiques publiques ? 

C.C : Bien sûr ! La loi NOTRe impose un seuil minimal de 15.000 habitants par intercommunalité mais ne fixe pas de seuil supérieur. On voit bien que la volonté du législateur est d'aller au-delà. C'est d'ailleurs ce qu'ont fait les préfets à chaque fois que c'était possible. A partir du moment où l'on a la volonté de construire ensemble un projet intercommunal, les outils existent. A la marge, bien évidemment, nous trouvons des problématiques comme l'établissement public foncier local, le plan local d'urbanisme intercommunal, la taxe du versement transport. Ce sont des épiphénomènes et la loi y répondra.

Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que la France géopolitique se dessine radicalement différemment. J'aurais d'ailleurs souhaité qu'on aille plus vite en supprimant les départements. Quoi qu'il en soit, les nouvelles formes de collectivité sont indéniablement les métropoles, les intercommunalités XXL et les intercommunalités. Elles seront les territoires de demain pour exister dans les nouvelles grandes régions.

En ce sens, les observateurs continuent de parler d'une réforme qui va dans le sens du suffrage universel pour les EPCI. D'autant que les écarts de représentativité dont souffre le futur conseil communautaire demeurent problématiques.

C.C : Il y a effectivement un vrai problème de représentation. C’est le cas partout en France, la loi obligeant de représenter chaque commune quelle que soit sa taille. Je regrette d'ailleurs qu’aucune démarche de fusion de communes ne soit à l’agenda au Pays Basque alors qu’ailleurs on retrouve plus de 1 000 projets… Cela aurait pu simplifier singulièrement notre problème de gouvernance. Ceci dit, localement, un accord politique permettra déjà un rééquilibrage pour mieux représenter les communes les plus peuplées.

En outre, je travaille activement à obtenir le suffrage universel direct pour les intercos XXL à l'horizon 2020. En effet, il y aura à la rentrée des évolutions pour les métropoles, c'est certain, la loi l'impose. Je milite pour qu’il y en ait dans le même temps, c'est à dire définies dès l'automne, pour les intercos XXL. L’idée, c’est que la gouvernance des intercos s’appuie davantage sur les habitants que sur les communes. Quoi de mieux alors qu'un conseiller communautaire élu au suffrage universel direct ?

Les débats parlementaires au moment de la loi NOTRe avaient écarté cette idée. A-t-elle véritablement une chance d'aboutir pour 2020 ?

C.C : A l'époque, le gouvernement voulait absolument l'accord des deux chambres. Or, le Sénat s'était opposé au suffrage universel. La clientèle des sénateurs est faite d'élus locaux qui ne sont pas encore prêts à perdre leur pouvoir. L'intercommunalité reste encore un guichet pour eux et  ils ne sont pas prêts à accepter qu'une autre strate d'élus locaux tienne sa légitimité du suffrage universel.

Et pourtant, on ne peut pas imaginer que des intercommunalités avec une fiscalité propre, des compétences structurantes et des budgets de plusieurs millions d'euros perdurent sans cette légitimité là. Il faut que les choses bougent. Pour autant, j'insiste, il faut garder une place aux maires afin qu’ils jouent un rôle toujours décisif dans l’institution : vote du budget, avis décisionnaire sur le projet d’agglo… C'est aujourd'hui le sens de mon travail en commission des lois avec Patrick Menucci [député socialiste des Bouches-du-Rhône, ndlr.] et également avec le gouvernement. Et les pistes que nous avons proposées sont actuellement à l'étude.

Les élus locaux et les parlementaires notamment sont-ils prêts à soutenir cette proposition ?

C.C : Il n'y a aucune raison que les parlementaires ne la soutiennent pas. Elle pourrait être portée par le groupe socialiste. Et il faut également que l'ensemble des élus du territoire s'exprime sur la question à l'occasion de la préfiguration. Sommes-nous capables, dès à présent, de parler d’une seule voix pour demander à Paris de faire évoluer la loi et de prendre en compte la spécificité des intercos XXL à défaut de celle du Pays basque ?

Quittons l'EPCI pour poser un regard sur le contexte social actuel. A entendre le gouvernement, la situation est réglée… Risible, non ?

C.C : Déjà, le gouvernement doit comprendre que c'est le Parlement qui vote les lois. Le jour où Manuel Valls a choisi de dégainer le 49-3, nous étions en réunion de groupe. Nous avions voté un accord sur l'article 2, que je considère comme une avancée. A savoir, un contrôle a priori de la branche sur l'accord d'entreprise. Il le savait, il était présent et a quand même choisi de convoquer le conseil des ministres. C'est inadmissible.

Maintenant, il faut évidemment sortir de ce combat de coqs et revoir l'article 2. Le droit du travail français s'est construit sur les conventions collectives. Nous ne sommes pas en Allemagne ou dans les pays du Nord. Eux ont une autre forme de syndicalisme qui se construit dans l'entreprise. Nous, nous avons moins de 10 % des salariés syndiqués. Comment faire passer l'accord d'entreprise avant l'accord de branche avec un taux de syndicalisme aussi faible ? C'est une folie. Retoucher à l'article 2, c'est une sortie de crise par le haut.

Est-ce tenable aujourd'hui d'être une parlementaire socialiste ? Ne doit-on pas choisir une fois pour toutes entre le social libéralisme et une gauche de rupture ?

C.C : Ce clivage n'existe pas dans mon quotidien de députée. Il y a une ligne qui est social-démocrate. Je pense à la loi sur la république numérique, la loi égalité citoyenneté, la loi NOTRe, la loi Santé, la réforme pénale et j'en passe. Et puis, il y a une réalité économique et le contexte de la loi Travail. Et là, la social-démocratie, c'est d'abord le social. L'économie, c'est avoir confiance. Quand la gauche est au pouvoir, c'est pour gagner des acquis sociaux. Et on ne peut pas renverser la table comme cela. Je ne suis pas la seule à défendre ce point de vue dans la majorité et nous comptons bien peser dans la balance.