Argitxu Dufau
Interview
Frederik Haranburu "Txistor"
détenu basque

F. Haranburu "Txistor" : "je vais prendre les choses comme elles viennent"

Frederik Haranburu, dit "Txistor", a été arrêté à Bayonne le 5 avril 1990 et placé en détention préventive pendant tout le temps de l’instruction. Son procès s'est tenu le 26 mai 1997, aboutissant à la condamnation à perpétuité, comme pour Ion Parot et Jakes Esnal, avec une peine de sûreté de 18 ans. Une peine de sûreté terminée depuis sept ans. Il aurait pu bénéficier d’une liberté conditionnelle depuis avril 2008. Mais l'Etat français n’est en aucun cas obligé d’accorder une libération conditionnelle dans le cas des peines à perpétuité. "On peut certes la demander, sans pour autant l’exiger" déclarait sa fille, Joana Haranburu, en 2013 au Journal du Pays Basque. À ce jour, trois prisonniers politiques basques, F. Haranburu, J. Esnal et I. Parot, ont une condamnation à perpétuité dans le territoire français. Txistor répond aux questions de MEDIABASK depuis la prison de Lannemezan.

"Txistor" (Mediabask)
"Txistor" (Mediabask)

Votre demande de liberté conditionnelle est étudiée ce 18 février, combien de fois avez-vous fait cette démarche ?

C'est la première fois que je la fais.

Pourquoi n'en avez-vous pas fait avant et pourquoi maintenant ?

Je n'en avais pas fait avant car il ne me semblait pas que le moment était opportun. Si je faisais la démarche, je pensais que je m'exposais à coup sûr à un refus pour demande prématurée. Suite à la décision de l'organisation ETA de mettre un terme à la lutte armée le 20 octobre 2011, le Collectif des prisonniers politiques basques (EPPK) préconisait en 2013 à ceux qui avaient été condamnés à la Réclusion criminelle à perpétuité (RCP) et qui avaient terminé la période de sûreté, de faire une requête de libération conditionnelle. J'ai également été incité au même moment par la Direction de la prison ainsi que par le greffe et le Service de probation de l'insertion (SPIP) à faire la demande. Pour répondre plus précisément à votre question, sachez toutefois que ma requête date de juillet 2013 et que le débat contradictoire a été fixé seulement pour le 18 de ce mois-ci, soit 18 mois après. Entre temps, j'ai dû passer par un Centre national d'évaluation (CNE). Ils m'ont envoyé pendant presque deux mois à celui de Lille Séquedin. Ce passage au CNE est imposé par une loi spécifique à tous ceux qui sont condamnés à de longues peines qui sollicitent une libération conditionnelle, donc à plus forte raison, à ceux qui sont condamnés comme moi à la RCP.

Comment avez-vous vécu ces 25 années de détention ?

Ce serait trop long à vous expliquer en détail. Pour résumer, je vous dirais que j'ai fait de mon mieux pour essayer de me maintenir dans la meilleure forme physique et psychique possible. La prison sur la durée est très pathogène, donc il vaut mieux s'imposer une hygiène de vie la plus stricte possible. Comment ? En cantinant des denrées alimentaires circonstanciées afin d'améliorer la gamelle et de manger assez sainement et équilibré. En ayant également une activité physique et psychique continue (études, lecture, etc...).

Comment se prépare-t-on à la vie à l'extérieur ?

Pour ma part, j'essaie de ne pas trop y penser, car je ne sais pas quand ils décideront de m'octroyer une liberté conditionnelle, ni qu'elles seront exactement les contraintes qui me seront imposées. Je vais prendre les choses comme elles viennent et j'essaierai de m'adapter au fur et à mesure. J'ai fait face à toutes ces années d'incarcération, j'espère sans trop me détériorer, je pense donc qu'avec le soutien de ma famille et des amis j'arriverai aussi à trouver mes marques à l'extérieur.

Après 25 ans en détention, comment imaginez-vous l'extérieur ?

J'imagine qu'il y a eu beaucoup de changements. Il me semble d'ailleurs que les gens sont devenus plus individualistes et que les rapports sociaux sont différents. Les PC individuels avec Internet sont entrés dans presque tous les foyers, les téléphones portables, les réseaux sociaux et toutes ces nouveautés, je n'ai pas connu tout ça. Comment vais-je appréhender tout ça ? Le temps le dira.